
Lundi 25 août – Au tout début, on aurait pu croire à une nouvelle désespérante scène de théâtre politique. Ces tréteaux où les acteurs, après un plus ou moins bon mot, gardent la posture quelques secondes assurés qu’ils sont des applaudissements automatiques de leurs affidés. Et puis les heures et les jours passants, il est possible que « la tournée du redressement » promise par Arnaud Montebourg au président François Hollande, qui a déclenché le surprenant changement de gouvernement, aboutisse à fêter un événement historique. Pour la gauche d’abord, mais plus important encore pour la France et notre système démocratique.
En effet, tous les hommes politiques sont depuis très (trop) longtemps enfermés dans un jeu d’acteurs qui, pour les meilleurs d’entre eux, n’est pas à la hauteur de leurs idées noyées dans ce jus de postures considérées comme obligées. Ni à la hauteur de leurs ambitions légitimes qui sont, de surcroît, obligées de passer sous les fourches caudines du barnum audiovisuel pour qui les idées doivent se résumer en images. Courtes, très courtes et répétitives. Et comme chantait Ferré : « Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. » Et si justement, ce lundi, le cercle vicieux était rompu, si on assistait à une fin de partie ? La fin du parti pris du sous-entendu, dont Balzac écrivait qu’il était « la moitié de la langue française » et l’abandon de cette lecture nécessaire de l’entre-lignes réservée de fait à une élite de l’entre soi. Celle des partis obsolètes. Antidémocratique. Les écrits de courants, de « personnalités », de motions et autres agrégats, sans compter ceux des pittoresques « héros d’un jour », ont lassé les Français et leur ont faire perdre toute confiance en ces zélateurs d’eux-mêmes.
Alors, oui… vive la gauche ! Bien sûr et avec rapidité puisque l’alternance entre de véritables partis républicains, de gouvernement parce qu’en comprenant les responsabilités et la difficulté, est le seul moyen d’assurer la démocratie. Si fragile par nature, et si fragilisée en ce moment.
Il est donc temps que la gauche se rénove, ouvre les yeux sur notre monde qui change, sur une volonté d’implication sociale des citoyens, dans leur travail, leurs modes de vie et leurs aspirations qui évolue comme jamais et pour qui « les avantages acquis » apparaissent pour ce qu’ils sont malheureusement devenus pour la plupart : la défense de communautarismes dépassés. Les chômeurs, en premier, en paient le prix.
Il y a toujours eu plusieurs gauches… et plusieurs droites. Sans parler d’un centre qui balance entre les deux. Il en résultait des débats vivifiants… jusqu’à cette période longue, usante et déjà si ancienne où s’est substitué aux échanges argumentés et aux recherches sans tabous, ce combat d’égos habillé de formules ostentatoires propres aux nouveaux riches de la politique spectacle. Formules empruntées sans recul, hors contexte et le plus souvent sans connaissance, à des Reader’s Digest de la pensée raccourcie. Le Parti socialiste français a réussi, aux prix de combien de contorsions douloureuses, a composer – du moins le temps de quelques campagnes électorale – des puzzles variés et colorés faisant office de dess(e)ins et d’unité. Jusqu’au déclin même de son identité réelle… masquée elle-aussi jusque dans quelques rares moments de victoire énivrants. C’est fini. La dureté de la crise, la mondialisation inéluctable des échanges et de la production, les bouleversements technologiques… sont autant de révélateurs d’une faillite d’un type de fonctionnement et d’analyse purement tacticiennes. Les pions sont usés et l’échiquier n’a plus le même nombre de cases.
La recomposition est donc nécessaire et la clarification était vitale pour le gouvernement. Pour le Parti socialiste aussi. Elle est engagée. Il ne s’agit pas ici d’hommes et de femmes et de leurs qualités respectives, mais de fondement politique. On peut espérer que les Français découvrent enfin dans ce gouvernement la cohérence et la clarté qui manquait depuis 2012, deux éléments essentiels à son action pleine et entière. Une action attendue. En ce qui concerne « les siens », notamment à gauche et au Parti socialiste (cela vaut pour le Front de Gauche et EELV), chacun les reconnaîtra et aura la responsabilité, lors des votes – qui ne sont pas des insurrections – de choisir un programme simple, lisible, non contradictoire et une équipe à même de gouverner sur une base partagée. Pour moi, certains l’essaient avec ténacité dans des conditions éminemment difficiles : François Hollande et Manuel Valls. Font-ils « tout » bien, non ! Ont-ils besoin de temps, oui ! Auront-ils tous les soutiens nécessaires, je l’espère encore.
Mardi 26 août – Champagne pour tout le monde ? Les vendanges s’annoncent bonne en France, en qualité… et en grande quantité. Plus 20 % pour le champagne, plus 35 % pour le bordelais et les perspectives de hausse sont bonnes pour le beaujolais et le bourgogne. Bonne nouvelle après les niveaux historiquement bas des récoltes 2012 et 2013. Sera-ce une aussi bonne nouvelle pour les prix ? On peut en douter. En effet les stocks étaient bas et la demande à l’international toujours aussi pressante. On pourra peut-être se rabattre sur le cidre comme les Polonais en font la promotion. Fabriquée en Pologne, premier pays producteur de pommes en Europe, la boisson est consommée en masse depuis l’entrée en vigueur, au mois d’août, de l’embargo russe sur les produits alimentaires. Pourtant les Polonais n’ont jamais été de grands amateurs du cidre qu’ils produisent : « C’est une question de goût, ils ne l’aiment pas. Contrairement au cidre français, le nôtre est fait avec n’importe quel type de pommes. Il est plus sucré, un peu moins amer » précise un caviste. Mais désormais, boire du cidre est acte politique depuis le lancement de la campagne « Jedz jablka na zlosc Putinowi », ou « Mangez des pommes contre Poutine ». Initiée par le journaliste Grzegorz Nowacki, elle incite les Polonais à consommer le fruit banni en signe de soutien aux agriculteurs et contre la Russie et depuis, des politiques, des journalistes et des citoyens ont ainsi partagé des photos d’eux en train de croquer des pommes sur les réseaux sociaux. Et comme pour faire d’une pierre deux coups, certains cidres sont sucrés avec du miel polonais, également touché par l’embargo russe. « Mangez des pommes ». Le mythique slogan officieux de Jacques Chirac pour sa campagne de 1995 est ainsi remis au goût du jour, ce qu’ont bien compris les producteurs français de pommes qui appellent ainsi eux-aussi Français à l’aide pour résister à l’embargo russe sur les produits alimentaires européens. Patriotisme européen fruitier ?
Mercredi 27 août – e-clop ou pas clop ? La France va-t-elle suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en faveur de l’interdiction de la vente des cigarettes électroniques aux mineurs et de leur utilisation dans les lieux publics fermés « jusqu’à ce qu’il soit prouvé que la vapeur exhalée n’est pas nocive pour les tiers. » La ministre de la Santé, Marisol Touraine, reste favorable à une interdiction dans « certains lieux publics ». On sait désormais que l’e-cigarette est outil de sevrage efficace. On peut néanmoins considérer qu’il demeure en revanche, comme la cigarette, un « geste incitatif à fumer » qu’il faut proscrire. Diabolisation exagérée, prohibition vouée à l’échec, loi hygiéniste passéiste… pour le vapotage, ce sera à l’Elysée de trancher. Décidemment François Hollande est sur tous les feux.
Jeudi 28 août – Après près de trente ans dans le quartier londonien de Wapping, le quotidien The Times édité par News UK, propriété de Rupert Murdoch, a déménagé à Baby Shard, dans le sud de Londres. Et les journalistes ont découvert une rédaction équipée de hautparleurs diffusant toute la journée… une drôle de musique. Il s’agit des bruits de machines à écrire, amplifiés au fur et à mesure que les heures passent et que le bouclage approche. Faut suivre le rythme crache le dispositif… ça chauffe, plus vite, plus vite encore ! Le dispositif est censé «donner de l’énergie et aider les journalistes à respecter les délais», écrit The Independent qui a enquêté chez son confrère. Ils ne seraient donc pas à cheval sur le temps au Times… Bizarre, isn’t it ? Un journaliste a tenté de couper le son, en vain. Cela me fait penser aux haut-parleurs du château transformé en hospice pour vieillards du roman « Les millions d’Arlequin » de Bohumil Hrabal * qui, sans relâche, diffusent inlassablement la même valse triste. Une manière de leur montrer qu’ils sont considérés, comme impersonnels définitifs… mais sous une domination douce. Chaque société dominatrice invente son sirop pour tenir et « motiver » ses troupe(aux)s. * Bohumil Hrabal (1914-1997) est un géant de la littérature mondiale, écrivain tchèque le plus important de la seconde moitié du XXe siècle… avec celui qui le considère comme son maître : Milan Kundera. Lire sans retenue. Jubilatoire.
Vendredi 29 août – Rien ne va plus à Hollywood qui perd son statut de capitale mondiale du cinéma. En dix ans, la Californie a perdu 16.000 emplois dans le secteur. Du coup, le Gouverneur de l’État a annoncé un accord qualifier « d’historique » concernant une aide de 1,6 milliard de dollars pour relancer les tournages. La concurrence est d’abord interne : New-York a une politique de subventions très attractive ; en 2013, pour la première fois, plus de longs métrages ont été tournés en Louisiane qu’en Californie. Il reste encore les statues des Oscars…