
Sarah Kane, dramaturge britannique a vu sa première pièce Blasted (Anéantis) montée en janvier 1995. Le 20 février 1999, Sarah Kane se pendait avec ses lacets dans les toilettes de l’hôpital King’s College de Londres, quelques semaines seulement après avoir publié sa dernière pièce 4.48 Psychosis (Psychose). Elle avait 28 ans. En quatre ans Sarah a marqué l’histoire du théâtre contemporain.
Christian Benedetti, dans son Théâtre Studio qu’il a fondé à Alfortville, met à nouveau en scène ces deux pièces qu’il avait montées en 2000 et 2002. Dans son interview accordée au journal Le Monde (30/01/2017), on sent une urgence et une obligation de faire surgir dans notre société ce théâtre magnifique, aux textes terribles sur la vérité de notre monde : « Ce qui m’intéressait, c’était de faire apparaître le lien évident de l’une à l’autre, de montrer la flèche de son écriture. Ce qu’il y a de très fort chez Sarah Kane – et je vous dis cela en tant que grand lecteur de pièces contemporaines –, c’est qu’elle tranche avec la plupart des auteurs, qui se mettent toujours du bon côté. Ils disent : « Je vais vous montrer combien le monde est dégueulasse, mais moi, bien sûr, je n’en suis pas. » Alors que Kane comme Bond ne sont jamais du bon côté : ils se mettent dedans. Ils affrontent l’implacable, la réalité dans laquelle nous sommes tous. (…) Quand on lit son théâtre, on s’attend à rencontrer quelqu’un de totalement destroy. Or pas du tout. Sarah Kane était une femme extraordinairement discrète, attentionnée et drôle, qui était capable de vous sortir de but en blanc une remarque très directe : un être complet et complexe. Aucune folie chez elle, mais elle cherchait un absolu dans tout : dans la religion, l’amour, la vie, la littérature… Pour moi, elle était comme un camion à contresens sur l’autoroute, sauf que sur l’autoroute il y a des aires de repos. Il y avait chez elle une détermination, une force de vie extraordinaires. (…) J’aurais préféré ne pas avoir à remonter le théâtre de Sarah Kane, cela signifierait qu’on a avancé, depuis vingt ans. Mais ce n’est pas le cas. Le monde bégaie. Antoine Vitez, déjà, disait que nous sommes condamnés à recommencer les mêmes images, redire les mêmes paroles, refaire les mêmes gestes. On n’a tiré les leçons de rien. C’est pour cela que Kane est pour moi une auteure essentielle, en cinq pièces, elle a fait la cartographie du monde. Ce n’est pas pour rien qu’Edward Bond a dit de Blasted que c’était « la seule pièce contemporaine [qu’il aurait] aimé écrire » et que son théâtre était révolutionnaire. »
À voir toute affaire cessante. Si vous le pouvez, donnez priorité au samedi, le seul jour où les deux pièces sont présentées dans la foulée. Avec Blasted un choc de viol et de violence dans une mise en scène d’une grande crudité et de chaos intimes et historiques où Christian Benedetti, acteur, est remarquable. Quant à 4.48 Psychosis, c’est un rare moment de grâce dont la mise en scène à l’inverse minimaliste nous emmène sur les crêtes de la recherche des amours jamais atteints. Précipice vertigineux.
Blasted et 4.48 Psychosis
Jusqu’au 25 février, relâche le dimanche.
de Sarah Kane. Mise en scène de Christian Benedetti. A Alfortville, Théâtre-Studio, jusqu’au 25 février (01 43 76 86 56, www.theatre-studio.com). « Blasted » (lundi, mercredi et vendredi) 1h30. « 4.48 Psychosis » (Mardi et jeudi), 1h05. Les deux pièces sont représentées le samedi (19h00 et 22h00).
Théâtre Studio – Direction Christian Benedetti
16, rue Marcelin Berthelot. 94140 Alfortville
Réservations / 01 4376 86 56